As part of an occasional series aimed at enhancing accessibility, Jawad Daheur, editor of the Special Issue of Global Environment 15.1 (Feb. 2022) on ‘Extractive Peripheries in Europe‘ offers a French translation of the volume’s abstracts. The introduction is free to read (in English)

L’extraction de ressources dans un espace marginal : renaissance minière et environnement en Toscane méridionale et dans le nord du Latium au tournant des XVe et XVIe siècles – Didier Boisseuil
À la fin du Moyen Âge et au début des Temps Modernes, la Maremme et les monts Métallifères du sud de la Toscane ont connu une intense activité extractive. Les minerais ainsi que les ressources hydriques et forestières disponibles dans la région ont permis la production de métaux (fer, cuivre, peut-être argent) et surtout de sulfates (alun, vitriol) qui furent massivement exportés, parfois jusqu’en Europe du Nord. Située aux marges de trois États puissants, à savoir les États pontificaux et les Républiques de Florence et de Sienne, la région était éloignée des grandes villes (Rome, Florence, Sienne) mais faisait l’objet d’une attention constante de la part des élites urbaines comme les Médicis, les Spannocchi, les Chigi et d’autres familles, au détriment des communautés rurales. En croisant les sources documentaires des communes rurales et des États présents dans la région (délibérations, actes notariés, comptes privés), l’article vise à montrer comment cet espace marginal est devenu en quelques décennies un enjeu économique et politique majeur au sein de la péninsule ; comment il a été exploité au moyen de structures spécifiques de production et de gouvernance de l’espace rural ; et enfin comment ce développement a entraîné une dégradation de l’environnement par le biais de perturbations dans le système fluvial de la Maremme.
Mots-clés : Moyen Âge, Toscane méridionale, Latium, activités extractives, élites urbaines.
La région minière des monts Métallifères en Bohème : un réservoir de ressources d’argent en Europe centrale au XVIe siècle – Sarah Claire
Cette étude sur les monts Métallifères de Bohême illustre la mainmise de riches entrepreneurs allemands (les Welser, Höchtstetter, Fugger, Nutzel, etc.) sur les ressources minérales des monts Métallifères (Erzgebirge, Krušné hory) en Bohême au XVIe siècle, au détriment de la population locale. Les entreprises commerciales allemandes étaient les seules de la région à disposer de capitaux suffisants pour investir dans le développement des mines de Bohême. Elles contrôlaient une grande partie de la production de minerai, qui était envoyée sur les marchés du nord-ouest de l’Europe, alors très dynamiques. Les revenus générés par l’extraction ne représentaient qu’un bénéfice temporaire pour la population locale et limité à la période d’extraction, ce qui est caractéristique d’une économie périphérique. L’empreinte environnementale de l’extraction et l’emprise exercée sur l’arrière-pays afin d’approvisionner les mines avaient une signification beaucoup plus importante. La surexploitation des forêts était due à l’extraction excessive du minerai, avec pour conséquence une réduction et un appauvrissement du couvert forestier. Le mode de vie des populations et le développement des industries locales étaient mises à mal par la pollution des terres, des forêts et des ressources halieutiques, ou par la construction de gigantesques installations hydrauliques destinées à faciliter le flottage du bois. Les recherches archéologiques et les études paléoenvironnementales mobilisées dans cet article témoignent de cette altération de l’environnement. Les lois minières n’étaient pas assez contraignantes pour modérer le coût écologique de l’extraction. Cependant, ces lois et les écrits académiques, comme le De Re Metallica d’Agricola en 1556, illustrent la prise de conscience des autorités et des scientifiques sur les dangers des activités minières.
Mots-clés : Bohême, mines d’argent, monts Métallifères, ressources, périphérie.
Transformations économiques et crises environnementales dans les zones extractives de Lombardie : le cas du bois (fin du XVIIIe – milieu du XIXe siècle) – Maurizio Romano
L’article explore les transformations qui se sont produites dans les périphéries extractives de la Lombardie, qui fournissaient du bois à des fins commerciales et manufacturières, à partir des dernières décennies du XVIIIe siècle et jusqu’à l’unification nationale italienne. Au cours de cette période, la gestion du patrimoine forestier lombard est apparue comme une question d’intérêt stratégique, avec des conséquences économiques, sociales et environnementales majeures. L’objectif de cette contribution est d’esquisser les causes et les effets de la demande croissante de bois dans la Lombardie d’Ancien régime, en mettant l’accent sur le rôle joué par cette ressource dans les relations entre les centres politiques, urbains et économiques de la région et les périphéries extractives fournissant la matière première.
Mots-clés : Lombardie, bois, périphéries extractives, développement économique, crises environnementales.
Une périphérie productive ou extractive ? La Pologne russe et les exportations de bois vers l’Allemagne à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle – Jawad Daheur
Les chercheurs se sont longtemps interrogés sur la nature manifestement paradoxale de la structure commerciale de la Pologne russe du point de vue du modèle centre-périphérie. Situé à l’extrémité occidentale de l’Empire russe, ce territoire formait une périphérie sous l’étroite domination politique de Saint-Pétersbourg mais qui, dans le même temps, se développait rapidement, envoyant des produits manufacturés vers le cœur de la Russie. Contestant l’idée d’une réorientation de l’économie régionale vers le marché russe, l’article réévalue le bilan commercial extérieur de ce territoire et montre que l’activité extractive destinée à alimenter les marchés occidentaux n’avait pas complètement disparu. Il existe certainement au moins une exception notable à la vision la plus généralement répandue : le commerce du bois, qui semble avoir suivi une voie distincte par rapport à d’autres biens issus des régions rurales et dont le commerce a impliqué d’énormes coûts sociaux et environnementaux. Rendues possibles tant par la pression croissante du capital allemand que par une série de décisions politiques émanant du pouvoir russe, ces exportations massives s’inscrivaient dans une nouvelle dynamique, parallèle et opposée à celle de l’industrialisation de ce territoire : l’avancée d’un front de ressources qui faisait de la Pologne russe une réserve de bois pour l’Allemagne, devenue la première puissance industrielle du continent.
Mots-clés : Pologne, commerce international, bois, sylviculture.